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VOYEUSE

      VOYEUSE
Pièce radiophonique, coll. « Nuits Noires », France Inter, 2014, 20 min.
Résumé : En pleine nuit, une femme observe ses voisins et s’inquiète…

france-culture-logoUNE VIE UNE ŒUVRE : MICHAEL CRICHTON

      MICHAEL CRICHTON
Documentaire, France Culture, 2014, 52 min
Résumé : Portrait d’un écrivain, réalisateur, au parcours hors norme

Sciences, anthropologie, société, médecine, environnement, écologie, histoire, mythologie… Existe-t-il un domaine que l’écrivain et réalisateur Michael Crichton n’a pas abordé ? Sur 30 livres publiés, plus d’une douzaine ont été adaptés au cinéma. Son style parfois pamphlétaire et son jargon technique captivent et énervent. Passionné de technologies et critique envers les scientifiques et la médecine, aventurier, curieux de tout, obsédé par le détail et le contrôle de son oeuvre… Qui se cache derrière le père de Jurassic Park et d’Urgences ? Diplômé de Harvard en 1964, Michael Crichton étudie l’anthropologie puis la médecine. Il renonce à sa carrière de médecin pour écrire des romans d’espionnage, des thrillers médicaux et de la science-fiction, avant de devenir un véritable label dans les années 90. Voyage avec un raconteur d’histoires…

à lire

« (…) J’ai retiré mon tablier, dressé une table pour le repas du soir, qui serait servi plus tôt que prévu, car il voulait voir son programme, déversé une boîte entière de pommes dauphines dans une poêle pour qu’il puisse dîner plus vite. L’odeur du gigot était miraculeuse, mélange de beurre, d’huile et de romarin. J’avais toutes ces odeurs dans le nez, en cisaillant net la chair, je ne voulais plus quitter la cuisine, rester dans son jus. Il s’est installé, au bout de la table avec son journal, a mangé rapidement son entrée, avant d’attaquer, impatient, le gigot.

Et il a dit : « C’est trop cuit ».

Moi, j’avais mon assiette de crudités habituelle avec de la mâche, du thon et du concombre au fromage blanc. Pour oublier ma faim, je pensais à cette fille dans ma poche. Je voulais savoir. Sur la photo, il la prend par l’épaule et ils marchent devant. On dirait qu’elle scande des choses, pleine de sève. Elle a le même regard que moi, sans rides, moins sec, mais avec une même adolescence. Elle se disait sûrement que le monde l’attendait, et qu’elle comptait l’investir. Mais est-ce qu’elle savait à ce moment-là, ce que serait sa chance ? Traverser la vie loin de la pauvreté et de la maladie. Comment pouvait-elle à cet instant précis, ne désirer que cela ?

J’ai pris du vin, un grand verre, et je lui ai parlé de ma découverte dans le cellier, de cette fille, de l’ardeur.

Il a dit « Moins fort. Tu parles fort quand tu bois. »

J’ai baissé le ton. Peut-être qu’il pouvait m’aider à comprendre, qu’il savait, lui. Qu’est-ce qui la motivait à marcher dans la rue comme ça, l’espoir en avant ? Ca l’a agacé. Il a dit « Hum » ou quelque chose d’approchant.

Alors, j’ai débarrassé le gigot et dans la cuisine, j’ai plongé le doigt dans la sauce, divine. J’ai repris du vin, les veinules sous les yeux déjà marquées. J’avais envie de parler fort, comme cette fille. Puis je suis montée à l’étage, j’ai fait ma valise, j’ai juste pris l’essentiel et je suis montée dans ma voiture. »

« (…) Ça y est, j’y étais.
En l’espace d’un instant, j’étais devenue Toxique.
Toxique le jour, Romane la nuit.
Toxique la nuit, Romane le jour.
Toxique et son masque blanc, sa tache translucide au creux de la main, une énergie fantastique, de la rage.
Romane, étudiante en biologie, et ses grosses lunettes à écailles, une queue de cheval, un parka, un job à assurer, des cernes sous les yeux.

En quelques mois, Bigopolis s’est métamorphosée et tout le monde me voulait. J’avais des milliers de mètres cubes de dioxyde d’azote à dissoudre, sans compter le littoral, les rivières, les lacs, les nappes souterraines, les déchets miniers, les décharges…

Pour me joindre, pas besoin de projecteur géant dans le ciel comme le « Bat signal » de Batman. Une alerte E-Toxique avait été créée sur les chaînes d’infos en continu. Je n’avais plus qu’à me connecter. J’enfilais ma tenue de combat et je débarquais. La liste des tâches à effectuer défilait sans aucune hiérarchie, avec toutes les catastrophes écologiques en prévision. « Pic de pollution attendu ce mardi à 8h 45, marée noire probable au large des côtes, rupture d’un barrage possible dans le secteur sud-ouest, alerte de niveau 1 à la centrale C. » Tout était urgent, mais pour les choses encore plus urgentes, le maire de Bigopolis avait mis en place une sirène pour m’appeler : une espèce de corne de brume métallique. Et je fusais sur mes rollers, tel Peter Parker sur son fil.»